Conférences plénières

Mercredi 9 avril 10h15-11h15 - Jeunes chercheurs à l'honneur

 

Yohann Guffroy (Université de Genève) - Dessiner l’invention. Retour sur les conclusions d’une étude de dessins d’objet technique produits au tournant du 19e siècle

Depuis quelques années, les dessins d’invention font l’objet d’un regain d’intérêt. Longtemps considérés comme des documents annexes, des historiens et historiennes entreprennent aujourd’hui de réinvestir leur étude à différentes époques et dans différents contextes. Dans cette communication, je reviendrai sur les conclusions de mon travail de thèse qui, participant de ce mouvement historiographique général, porte sur un corpus de dessins issus du fonds des patents et de la Society of Arts produits au tournant du XIXe siècle. L’objectif est de montrer que, loin de se résumer à simples illustrations, ces dessins constituent l’expression de la rencontre de trois dimensions : sociale, graphique, et politique ; un triptyque qui permet de mettre en lumière l’esthétique spécifique structurant ces documents, une esthétique de la technique.

 

Ange Pottin (Université de Vienne) - Le nucléaire, sentinelle des ruines modernes ? Etudes philosophiques et sociotechniques des résidus radioactifs

Ma thèse a étudié une idée par laquelle, depuis les années 1960, de nombreux acteurs du nucléaire français entendent assurer l'avenir à très long terme, ainsi que l'aura morale, voire métaphysique, de leur filière : le "cycle du combustible fermé", ou l'exploitation de la possibilité de réutiliser 96% des résidus de la fission de l'uranium en réacteur pour les besoins de la consommation énergétique. Cette stratégie, qui passe notamment par un traitement chimique du combustible nucléaire irradié, aura en fait démultiplié les résidus dangereux et les installations complexes à entretenir. Par-delà ce cas exemplaire de circularité technique imaginaire, j'indiquerai comment l'infrastructure nucléaire offre un poste d'observation de choix pour documenter les contradictions qui pèsent sur l'héritage infrastructurel fragile et encombrant de l'après-guerre, et les interrogations qui accompagnent son démantèlement.

 

Mercredi 9 avril 11h15-12h15

 

James Poskett (Université de Warwick) - The Scientific Revolution as Global History (1000–1800) 

The ‘scientific revolution’ was not a period of rapid unidirectional change. Rather, early modern European science was made through a process of creative re-engagement with the global past. European scholars re-read ancient texts in light of new experiences. In doing so, they hoped to rediscover lost knowledge. This narrative is familiar to historians of early modern Europe. But what about the world beyond Europe? In this talk, I examine the connection between old and new knowledge across the early modern world. In doing so, I break beyond the traditional geographic and temporal bounds of the scientific revolution. Drawing on recent work in the anthropology of history and global historiography, I show how a remarkably similar process shaped the development of science in societies ranging from Fatimid Egypt to Qing China. Knowledge drawn from other cultures and languages was understood as a way to recover and reinvigorate that which had been lost.

 

Jeudi 10 avril 18h00-19h30 - Conférence grand-public au Muséum Aquarium de Nancy

 

Jean-Baptiste Fressoz (EHESS) - Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie

La « transition énergétique » repose sur un certain passé. Sa force de conviction tient à son caractère ambigu à cheval entre histoire et prospective. Tout comme par le passé l’humanité aurait accompli des transitions — du bois au charbon puis du charbon au pétrole — il nous faudrait, confrontés au changement climatique, en accomplir une troisième, vers le nucléaire et/ou les renouvelables. Faire face au défi climatique impliquerait donc de poursuivre l’histoire de la science, de l’innovation et du capitalisme, de la guider, de l’accélérer, pour hâter l’avènement d’une économie décarbonée. Le problème est que ce futur réconfortant repose sur un passé imaginaire, sur une histoire matérielle fausse, scandée par une succession d’époques. Il n’y a pourtant aucune raison pour que les historiens choisissent la transition comme motif principal de leurs récits. Les sources d’énergies entrent en symbiose autant qu’en concurrence et ces relations symbiotiques expliquent pourquoi, au cours des XIXe et XXe siècles, les énergies primaires ont eu tendance à s’additionner plutôt qu’à se substituer. Pourquoi alors la notion de transition énergétique s’est-elle imposée ? Comment ce futur sans passé est devenu, à partir des années 1970, le futur de nos gouvernants, le futur des cabinets de conseil et des organisations internationales, bref, le futur des gens raisonnables.

 

Vendredi 11 avril 14h30 - 15h30 

 

Liliana Hilaire-Pérez (EHESS) - Les techniques à l’épreuve du temps : big is back ? 

La politisation de l’IA et son intense médiatisation ont fait ressurgir les conceptions les plus datées du changement technique, laissant miroiter encore « l’ère d’une nouvelle promesse » comme l’évoquait David S. Landes à propos de la « Révolution industrielle ». Pourtant, un tout autre rapport au temps s’est construit depuis une génération en histoire des techniques. C’est cette richesse de la réflexion historique sur les techniques, sa finesse, son inventivité, comme le suggère la mobilisation de concepts tels que time awareness et sensibilité au temps, résurgence et coexistence, simultanéité du non-simultané, hétérochronie et chronographie, voire l’idée d’un temporal turn des sciences sociales que nous proposerons à la discussion grâce à bien des travaux récents. L’enjeu est d’interroger le rôle que joue l’histoire des techniques dans les débats actuels sur le sens à donner aux temporalités en histoire, face à la tentation de la big history et au retour des méta-récits.

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