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Enseigner l’EHST dans le secondaire ou le supérieur : freins et obstacles ?
Enseigner l’analyse pour la fonder ? Étude de quelques cas (1700-1750)
Faire parler la maladie ? Une histoire de la maladie à la première personne
Histoire de l’enseignement de la chimie
Histoire de l’économie expérimentale : état de l’art et nouvelles perspectives de recherche
Histoires et historiographies de l’intelligence artificielle
Le patrimoine mathématique des bibliothèques : livres, périodiques, instruments, archives
Les carrières scientifiques au XXe siècle : institutions et trajectoires
Les herbiers, aux marges et au-delà des pratiques naturalistes savantes (vers 1750-vers 1950)
Les maladies infectieuses « sans histoire »
Les sciences et les techniques, une histoire au présent
Mathématisation et postérité de Newton au XVIIIe siècle : perspectives croisées
Matérialités « secondaires » des logiciels
Où va l’histoire des mines en France ? Chantiers et perspectives historiographiques
Penser les objets techniques de la santé au travail, 18e-20e siècle
Philanthropie et financement de la recherche scientifique (XIXe – XXe siècles)
Pratique des savoirs techniques dans les métiers : savoir, savoir-faire, savoir pratique
Regards historiques sur le passé et l’avenir de la cosmologie
Trajectoires énergétiques de l’Europe : d’un idéal technopolitique au marché européen de l’énergie
Les lieux spécifiquement destinés aux sciences expérimentales (bâtiments, équipements, installations) témoignent d’un champ disciplinaire à l’autre d’une grande diversité de forme et d’échelle. S’ils ont jusqu’à présent été étudiés de manière très diversifiée selon les domaines d’activités et selon leur statut institutionnel, les deux dernières décennies ont fait émerger un contexte favorable à l’analyse plurielle de ces " lieux de savoirs ". Parallèlement au développement d’une histoire matérielle des sciences en train de se faire, l’intérêt croissant pour le patrimoine scientifique et industriel a porté autant sur les collections et les instruments que leurs interactions avec l’aménagements ou la conception des édifices. Ainsi les recherches se sont-elles intéressées à plusieurs échelles depuis celle de la pièce, ses dispositions et ses objets, dans le cas des laboratoires en particulier, jusqu’à celle du bâtiment tout entier quand l’interface entre les murs et les instruments induisent des architectures spécifiques, comme celles de l’observatoire, de la soufflerie et de l’accélérateur de particules.
S’inscrivant à la croisée de l’histoire des sciences et de l’histoire de l’architecture, cette session souhaite appréhender conjointement ces lieux de la science expérimentale pour envisager les interactions à l’œuvre entre le cadre matériel et bâti d’une part, les équipements et les pratiques scientifiques d’autre part. Dans quelle mesure sont-ils être soumis à des questionnement communs ? Plusieurs pistes sont proposées à la réflexion.
La première concerne le principe d’adéquation des lieux avec les activités scientifiques, où se mesure tous les besoins spécifiques, en termes d’espace, de dispositions, de répartition des fonctions, de conditions climatiques, de réseaux techniques, etc., de manière plus marquée encore avec l’avènement de la Big Science ou lorsqu’il s’agit de concevoir des bâtiments déplaçables. Dans les faits, cet idéal d’harmonie résulte de la collaboration entre scientifiques, architectes et constructeurs, il se traduit en discussions, en hiérarchisation des problèmes rencontrés, voire en tensions notamment lorsque la conception ou l’aménagement de tels édifices met en évidence les difficultés à concilier des temporalités contradictoires.
La deuxième piste porte sur l’interaction de ces édifices avec un environnement plus vaste, délibérément choisi ou imposé, qu’il s’agit d’envisager en termes de cadre et d’échelle (quartier de ville, territoire extra urbain), selon les nécessités : proximités recherchées pour des questions d’acheminement, de sociabilités scientifiques ou au contraire isolement reflétant des raisons de sécurité ou un souci de secret.
La troisième piste s’intéresse aux processus d’évolution de ces lieux, au gré des besoins des scientifiques, des exigences des expériences ou du renouvellement des instruments, appelant des extensions, des recloisonnements, des réaffectations ou une malléabilité permanente, Comment la recherche de souplesse ou le risque d’obsolescence du cadre matériel et bâti sont-ils gérés, sur le moment ou en amont ?
La dernière piste concerne les dimensions symbolique ou emblématique affectées à ces édifices. Dans quelle mesure l’architecture de ces lieux de science est-elle pensée pour représenter un domaine d’activité, un programme scientifique ou une organisation, exprimer une politique publique ou incarner un domaine de savoir ?
Cette proposition de symposium s’inscrit dans le prolongement du projet de recherche Fondascience financé par l’ANR.
S’interroger sur les raisons et les moyens d’introduire des éléments d’histoire et d’épistémologie des sciences et des techniques dans l’enseignement secondaire ou dans l’enseignement supérieur ne remonte pas à hier. Tout au long du XXe siècle (et même avant) des rapports, des argumentaires, des plaidoyers ont souhaité, justifié, milité pour que de tels enseignements soient mis en œuvre. A la fin du XXe siècle, des militants ont pensé que la longue marche qu’ils avaient rejointe était en passe d’aboutir, voire de franchir une étape marquante, lorsque les programmes officiels de l’enseignement secondaire des sciences ont semblé faire une place nouvelle aux dimensions historiques et épistémologiques, lorsque l’université a introduit des enseignements spécifiques optionnels dans ses maquettes de diplômes. Si un verrou ou si un col venait d’être franchi, le but n’était pas pour autant atteint. La reconnaissance était fragile et aussi peu durable parfois que la durée d’un programme scolaire ou d’une validation ministérielle de maquette d’enseignement. Enseigner l’histoire et l’épistémologie des sciences nécessite de justifier sans cesse l’existant et de militer pour maintenir l’acquis et proposer son renforcement.
Pourquoi, malgré les multiples discours et écrits justifiant de manière pertinente et rigoureuse les intérêts voire les nécessités qu’il y auraient à introduire et développer cet enseignement avonsnous toujours l’impression que tout reste encore à faire ? Comment peut-on expliquer cette situation, éclairer cette histoire ? Quels obstacles ralentissent ou bloquent cette marche ? Que nous disent nos travaux d’histoire de l’enseignement ou d’histoire des sciences et des techniques en général sur les difficultés ou obstacles à une prise en charge de ces enseignements. Que nous disent nos pratiques d’enseignants-chercheurs et d’enseignants ?
Ce symposium vise à créer un moment d’échange au cours de ce 8e Congrès d’une société qui dès sa fondation a affiché sa volonté de contribuer au développement d’un enseignement de l’histoire des sciences et des techniques. Il est ouvert aux propositions qui contribueraient à l’actualisation de notre regard sur l’état de la situation, mais il encourage aussi celles qui interrogeraient et travailleraient la question des obstacles et des freins.
Au début du XVIIIe siècle, l’analyse cartésienne fait partie d’une pratique partagée des géomètres, et les premiers ouvrages concernant l’analyse des infinis – calcul différentiel et intégral – ont été publiés. Cependant, le langage algébrique ne s’est pas encore totalement imposé et est critiqué. Tout d’abord, il n’y avait pas de consensus unanime sur les critères épistémologiques qui justifieraient et fonderaient ses règles syntaxiques. Aussi, des problèmes sémantiques se posent lorsqu’il s’agit d’interpréter un résultat sous forme d’expressions analytiques en termes géométriques et réciproquement.
Ces questions se répercutent inévitablement dans l’enseignement.
Dans ce symposium, nous cherchons à identifier les types de critères utilisés pour l’enseignement de l’algèbre et l’analyse et les modalités de leur mise en œuvre. Notre hypothèse est que cette enquête sur des cas particuliers permettra de comprendre la manière dont les acteurs formulent ou reformulent les fondements épistémologiques de l’algèbre en tant que nouvelle écriture mathématique en phase de stabilisation.
Comment évoquer la maladie au plus juste ? Qui parle le mieux de la maladie ? Le malade ou son médecin ? Le médecin ou son patient ? Les personnes malades expriment de plus en plus fréquemment un savoir intime, celui qui émane de l’expérience. Est-ce bien nouveau ? Depuis les Essais de Montaigne, l’Anatomie de la Mélancolie de Robert Burton jusqu’à Mars de Fritz Horn, le récit d’expérience sur la maladie a permis de défendre l’idée d’une médecine de soi en critiquant parfois une vision purement biomédicale de la maladie. Ce genre acquiert aujourd’hui de plus en plus un véritable statut épistémique. Quels arguments sont avancés ?
Les patients jouissent aujourd’hui du droit de participer à la création de connaissances au sein des organismes de recherche médicale. Leur contribution est sensible non seulement dans les considérations éthiques mais également dans les protocoles de la recherche elle-même afin d’apporter une pertinence nouvelle sur ce qu’il est utile de chercher. De même ils demandent à être des acteurs de leur prise en charge, ce positionnement s’associant au principe d’autonomie consacré par opposition au paternalisme médical.
Les savants eux-mêmes mettent en avant leur expérience de la maladie pour avancer une nouvelle connaissance de la maladie à travers leur discipline. En retour, leur discipline semble informée par leur condition de malade. C’est particulièrement frappant du côté de la philosophie (Ogien, Carel). Certes, les vocations professionnelles ont souvent été marquées par des trajectoires personnelles. La biographie influence la bibliographie. Mais cette orientation qui restait discrète, tend à devenir aujourd’hui une forme de légitimation. De là à ce que l’absence de vécu personnel délégitime la prétention de la médecine à la scientificité, il n’y a qu’un pas (vous ne savez pas vraiment de quoi vous parler).
Faire parler la maladie nous renvoie finalement à la naissance de la clinique (Foucault). Toutefois la maladie parle aujourd’hui à travers la voix des patients au sens large : perception, pensée, discours, besoins subjectifs, demandes sociales et individuelles variées. Assistons-nous dès lors à la suite d’une mort redoutée de la clinique (Lecourt, Braunstein, Widlöcher) ?
Nous aborderons ces questions pour l’ensemble de la médecine tout en accordant une place privilégiée à la psychiatrie. En effet, la maladie mentale atteint la personnalité toute entière et retentit sur la vie du sujet de manière globale. Par ailleurs, la psychiatrie demeure une médecine sans lésion, sans examen complémentaire, ni examen clinique mobilisant le recours à des outils pour voir à l’intérieur : la parole et la relation demeurent les principaux moyens du diagnostic et du traitement.
Nous assistons sans aucun doute à de nouvelles figures du patient, qui appellent en retour de nouvelles figures du médecin et plus largement du soignant. Ces deux symposiums proposeront d’examiner de quelle manière histoire du patient et histoire du médecin se répondent pour former une histoire de la maladie à la première personne.
Beaucoup de travaux ont été publiés en histoire des mathématiques et de la physique, mais très peu en chimie en ce qui concerne la France. En effet, notre pays souffre d’un déficit en historiens de la chimie, et plus particulièrement en historiens de l’enseignement de la chimie, alors même que la chimie représente un poids considérable dans l’économie du pays.
Des approches diverses sont souhaitées pour cette session où il pourrait être abordé : filières et niveaux concernés, programmes, horaires, travaux expérimentaux, formation professionnelle, formation à l’industrie, manuels et traités, laboratoires, instruments propres à la chimie ou instruments de physique utilisés en chimie, culture générale dans les sections non scientifiques, patrimoine, sans oublier les personnels de l’enseignant au technicien...
Le point de vue institutionnel pourra de même être considéré, que ce soit du collège à l’enseignement supérieur, des écoles spécialisées à l’enseignement classique, de l’enseignement technique à la formation professionnelle.
Une étude comparative avec l’enseignement dispensé hors de France pourra s’avérer riche d’information.
Cette proposition de symposium est volontairement large, pour rassembler toutes les initiatives dans le domaine afin d’ouvrir les voies possibles à un nouveau développement de ce thème, trop négligé.
L’économie expérimentale est une branche récente de la science économique qui s’est lentement développée à partir des années 1950 pour véritablement s’institutionnaliser au cours des années 1990. Qu’il s’agisse des expériences de laboratoire, des expériences de terrain ou des essais contrôlés randomisés à grande échelle, la méthode expérimentale représente sans conteste, sinon une " révolution ", au moins un " tournant " méthodologique fondamental pour l’économie. Comment une telle rupture a-t-elle été possible ? À quels obstacles techniques, matériels et conceptuels s’est-elle confrontée ? Quelles raisons justifiaient certaines résistances à l’expérimentation en économie ? Quelles motivations ont poussé certains économistes à persévérer dans la mise en œuvre de cette méthode ? La division entre économie " expérimentale de marché " d’un côté et économie " comportementale " de l’autre persistent-elle encore aujourd’hui ? Les nombreuses questions historiques suscitées par la naissance de l’économie expérimentale ont notamment été abordées par des praticien.nes de l’économie expérimentale. Elles ont en outre fait l’objet de plusieurs travaux historiques plus denses qui constituent aujourd’hui les principaux résultats disponibles sur les grandes " forces " ayant orienté le développement de l’économie expérimentale. La reconnaissance de l’expérimentation comme méthode empirique légitime a nécessité une nouvelle conceptualisation, plus " symétrique ", des rapports entre données empiriques et théorie en économie. Les interactions entre pionniers, leurs difficultés matérielles, leur stratégie de légitimation de l’expérimentation (notamment au sein des revues économiques de premier rang) commencent également à désormais être mieux connues. Ces premiers travaux offrent des résultats stimulants et encourageant de nouvelles recherches, en particulier pour combler leurs angles morts. En effet, la plupart des recherches sur l’économie expérimentale se sont concentrées sur ce qui est perçu comme le berceau géographique de cette discipline, c’est-à-dire le monde anglo-saxon (en particulier les États-Unis). En revanche, il n’existe presque aucun travail consacré à l’histoire de l’économie expérimentale dans d’autres aires nationales comme la France (à l’exception de Daniel Serra) ou l’Allemagne. Par ailleurs, les histoires de l’économie expérimentale ont surtout adopté une perspective globale (permettant de mieux comprendre la constitution d’une " communauté " de l’économie expérimentale) sans toutefois proposer d’études de cas plus locales (centrées par exemple sur un laboratoire). Pour finir, l’histoire de l’économie expérimentale s’est beaucoup intéressée à la dimension intellectuelle du développement de cette discipline, en laissant dans l’ombre d’autres dimensions intéressantes : logiciels et outils numériques, environnement matériel, financements et comptabilité, aspects juridiques, bases de participants, assistance humaine lors d’expérience, rôle du " lab manager ", attitude des acteurs institutionnels (notamment les tutelles de laboratoire) etc. Ce symposium se donne ainsi un triple objectif : faire connaître les principaux travaux disponibles sur l’histoire de l’économie expérimentale, présenter des recherches récentes sur des dimensions moins étudiées de cette histoire et étudier la manière dont l’économie expérimentale s’inscrit elle-même dans une histoire de l’objectivité scientifique.
L’intelligence artificielle dite " générative " fait actuellement l’objet d’une importante couverture médiatique, partagée entre promesses techno-optimistes et critiques éthiques, ainsi que d’investissements financiers considérables alimentant les craintes relatives au possible éclatement d’une bulle spéculative. Un tel manichéisme contemporain fait écho à l’un des principaux récits historiographiques autour de l’expression floue qu’est " intelligence artificielle " (IA) : l’alternance régulière de périodes de déclin et de renouveau, désignées sous les termes d’" hivers " et de " printemps " de l’IA, depuis le milieu du XXe siècle. Populaire au sein même du cercle des praticiens et amateurs d’IA (chercheurs, ingénieurs, entrepreneurs, investisseurs, journalistes, etc.), ce récit propose pourtant une périodisation cyclique dont la robustesse n’est pas pleinement établie en fonction des découpages chronologiques et géographiques retenus. Par exemple, la focalisation sur le degré d’investissements financiers des agences gouvernementales anglo-saxonnes conduit à sous-estimer la structuration disciplinaire croissante du champ durant le premier " hiver " de l’IA tout en minorant l’éclosion d’un " printemps " sud-coréen au moment même où s’amorce le second " hiver " aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. A l’heure du succès des modèles statistiques fondés sur des réseaux de neurones profonds, cet effort de réexamen pourrait également s’appliquer à un autre récit historiographique binaire, celui de la controverse à rebonds entre partisans de l’IA symbolique et tenants du connexionnisme.
Plus largement, qu’en est-il du constat selon lequel " l’historiographie de l’IA en général est mal en point (et celle) de l’apprentissage automatique est virtuellement inexistante " formulé au milieu des années 2010 ? Dix ans plus tard, il est possible de noter l’intérêt marqué pour le moment cybernétique, en France comme à l’étranger, ainsi que la mise en avant de quelques grandes figures masculines des années 1950, 1960 et 1970 (Marvin L. Minsky, John McCarthy, Frank Rosenblatt, etc.). Les décennies suivantes viennent illustrer la tendance encore à l’œuvre d’une historiographie marquée par les témoignages personnels et les fresques de longue durée. Par contraste, les enquêtes d’histoire des sciences et techniques peinent à déplacer le regard vers d’autres zones géographiques (Amérique du Sud, Asie, Europe), à réintégrer les composants matériels (minerais, matériaux, composants microélectroniques, flux énergétiques, déchets) et logiciels (langages de programmation, bibliothèques logicielles), à souligner la diversité (intra)disciplinaire (traitement automatique des langues, vision assistée par ordinateur, traitement de la parole, robotique, etc.), ainsi qu’à proposer des perspectives subalternes (classe, race, genre).
Ouvert à une pluralité de cadres théoriques et de méthodes d’enquête, ce symposium souhaite accueillir des recherches s’organisant autour de deux principaux axes : d’une part, le réexamen des récits historiographiques communément repris pour retracer la généalogie de l’IA ; d’autre part, la mise en évidence de moments, d’entités et d’environnements (socio-culturels, géographiques, industriels, intellectuels, techniques, etc.) susceptibles d’éclairer des pans méconnus de l’histoire canonique de l’IA.
Ce symposium propose d’engager une réflexion sur la conservation et la valorisation du patrimoine mathématique des bibliothèques, en embrassant une conception large de ce patrimoine, englobant les livres et les périodiques, mais aussi les archives, institutionnelles ou personnelles, ainsi que les instruments mathématiques.
Il s’agira d’une part de questionner la pluralité des modalités de constitution, de conservation et de valorisation de ce patrimoine ainsi que la diversité des publics visés et des acteurs mobilisés dans ces démarches. Il s’agira d’autre part d’interroger les liens entre valorisation et patrimonialisation : en quoi les démarches de valorisation participent-elles d’un changement de regard sur les fonds en question ?
Ce symposium se propose ainsi d’être un lieu de rencontre et de discussions sur les possibilités de collaboration entre les institutions de conservation du patrimoine mathématique et la recherche en histoire des mathématiques.
Les communications pourront prendre pour objet des bibliothèques centrées sur les mathématiques, sur les sciences, ou des bibliothèques généralistes. Elles pourront notamment rendre compte d’expériences de valorisation et proposer des pistes de réflexion sur les thèmes suivants (non exclusifs les uns des autres) :
Ce symposium s’inscrit dans le cadre du projet ANR Patrimaths.
Le XXe siècle connait un net développement des carrières scientifiques, en premier lieu quantitatif : Derek de Solla Price soulignait en 1963, " 80 à 90% de tous les savants (qu’elle qu’en soit la définition, si elle est raisonnable) ayant jamais existé sont actuellement vivants ". Durant la même période, le cadre d’exercice de l’activité scientifique, qu’il soit local, national ou international connaît d’importantes transformations. Les dispositifs institutionnels qui organisent ces carrières s’en ressentent : l’augmentation numérique des corps académiques est corrélée à des processus de spécialisation et de complexification en matière de gestion des individus, à mesure que se multiplient les disciplines. Les trajectoires professionnelles ouvertes aux scientifiques changent, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’activité scientifique elle-même.
Ce symposium est proposé dans le cadre du projet BANANA (Bourbaki, nouvelles approches, nouvelles archives), financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) : il entend être l’occasion de tester l’hypothèse que les transformations des carrières mathématiques à partir des années 1930 ne sont pas sans influence sur la structuration et le succès du groupe, par l’intermédiaires des trajectoires de ses membres. Il s’agit aussi, plus largement, d’ouvrir la réflexion par la multiplication des points de comparaison avec les carrières dans d’autres disciplines. Trois grands types de questions peuvent être posées quant aux conséquences de cette mutation inédite de l’enseignement supérieur et de la recherche au cours du XXe siècle : quelles sont les conséquences de la structure des carrières sur la production des savoirs, sur les pratiques des scientifiques et sur les connaissances qu’ils construisent ? Dans quelle mesure les spécificités épistémiques des disciplines, des sous-disciplines, ou même des courants de pensée à l’intérieur d’une discipline donnée, peuvent-elles avoir un impact sur le déroulé et l’organisation des carrières ? De quelles manières les ruptures dans les conceptions scientifiques peuvent-elles avoir un impact sur les carrières, comme système institutionnel et comme faisceau de trajectoires, et réciproquement comment les réformes universitaires peuvent-elles générer de nouvelles pratiques scientifiques ?
Les herbiers, comme les jardins et les collections de plantes vivantes, manifestent l’intérêt pour la diversité du végétal du XVIIIe au XXe siècle. Ce contexte est propice à une certaine porosité entre l’histoire naturelle et d’autres formes de savoirs, d’intentions ou de pratiques concernant le végétal et plus largement, l’environnement. La multiplication des herbiers entre le milieu du XVIIIe siècle et le XXe siècle s’accompagne d’une diversification croissante des publics, dont les pratiques vont de l’étude savante à l’activité ludique. Étudier les rapports au végétal dont résultent les herbiers permet d’interroger les relations que leurs auteurs entretiennent avec la botanique, ainsi que les rapports à l’environnement et au végétal lors de la collecte, entre histoire des sciences, histoire culturelle et environnementale.
Au-delà de l’évolution des herbiers en regard des changements théoriques et de pratiques en sciences naturelles, l’herbier peut être constitué pour acquérir, produire ou transmettre des éléments de connaissances savantes ou vernaculaires sur les plantes ou à d’autres fins, en raison de la relative accessibilité des matériaux utilisés, accentuée par la marchandisation et la standardisation des herbiers. Qu’est-ce que la confection d’un herbier reflète du rapport de leurs auteurs aux sciences ? Comment s’intègre-t-il dans des cultures et imaginaires différents ? Il s’agit de comprendre les rapports au vivant dont témoigne la constitution d’herbiers lorsqu’elle rencontre la botanique non sur le plan de la construction des savoirs, mais sur celui d’apprentissages, de loisirs, croisant parfois l’agriculture, l’horticulture, etc. L’intérêt esthétique pour les plantes ou les algues, le détournement de pratiques pour réaliser d’autres objets ou répondre aux besoins de la zoologie sont autant d’éléments qui placent ces collections entre cultures scientifiques, matérielles et visuelles autour du vivant, sans compter la porosité entre la collection naturaliste et l’objet souvenir ou décoratif, bien connue dans le cas des collections de coquillages. Cela interroge les limites et l’influence de l’herbier quant aux cultures matérielles et visuelles autour du végétal.
Les herbiers conservent des " traces du végétal ", dépassant son caractère éphémère et fragile grâce aux spécimens, et relient différents espaces et revêtent de multiples symboliques. L’étude des collections apparentées suppose d’ancrer leur confection dans les rapports qu’entretiennent les collecteurs avec les lieux de collectes (terrains d’étude, jardins, etc.) et l’environnement, lorsque les relations entre les sociétés et leur environnement connaissent des transformations profondes, du milieu du XVIIIe siècle au XXe siècle. Saisir les écarts de perceptions et de pratiques permet de questionner les manières de regarder et de prêter attention au vivant. Dans quelle mesure l’évolution des représentations et les transformations de l’environnement affectent-elles les géographies de collecte et les relations au végétal des individus, leurs collectes ? Ces pistes de recherche visent à comprendre l’herbier non comme une finalité, mais comme une interface témoignant des relations entretenues entre les sociétés et leur environnement et contribuant à leur évolution.
Lorsque nous abordons l’histoire des maladies infectieuses, des exemples classiques nous viennent à l’esprit : la peste, la variole, la grippe ou encore le VIH/Sida. Ces maladies qui ont sévi – et sévissent encore pour la majorité – sous forme épidémique ou pandémique (voire endémique) ont frappé les sociétés qui y ont été confrontées, notamment par le nombre de morts qu’elles ont entraîné au cours du temps. Ces maladies ont marqué l’histoire, marqué l’imaginaire et imprégné l’inconscient collectif. Quand nous redoutons les dégâts que pourrait causer un nouvel agent pathogène, c’est en comparaison de ce que ces maladies ont engendré.
Dans ce continuum de maladies infectieuses qui ont marqué l’histoire, il existe aussi des maladies infectieuses " sans histoire ". Comme cela est décrit par l’historienne Laurence Monnais, ces maladies sont " sans histoire " dans tous les sens de l’expression. Elles n’ont jamais suscité beaucoup de curiosité chez les historiens et les historiennes de la santé et de la médecine qui peinent à les dénicher dans leurs sources habituelles. Ces maladies n’ont pas nécessairement fait payer un lourd tribut aux sociétés, ou ont été rapidement contrôlées par des moyens de lutte et de prévention efficaces. Ces maladies n’ont pas disparu, peuvent ressurgir si les autorités de santé publique – même de pays industrialisés – n’y prennent pas garde, et peuvent être redoutables dans les pays où les systèmes de santé sont peu efficients.
Ce symposium s’intéressera aux maladies infectieuses " sans histoire " et à leurs déterminants. Pourquoi de telles maladies n’ont que peu suscité l’intérêt des historiens et des historiennes de la santé et de la médecine ? À quoi ce manque d’intérêt est-il lié ? Est-ce véritablement par absence de traces dans les sources habituelles (archives) ? Ou du fait que ces maladies n’ont pas une histoire longue, impressionnante et dévastatrice ? Les communications du symposium essayeront d’apporter des éléments de réponse à ces questions, à travers des exemples historiques de maladies infectieuses, ou des phénomènes épidémiques spécifiques. Proposer une historicité à ces maladies infectieuses " sans histoire " nous oblige à repenser comment cette omission actuelle impacte la compréhension globale que nous avons de l’histoire des maladies infectieuses, des épidémies et des pandémies en tant que fait social total.
Les sciences et les techniques sont une pièce souvent considérée comme maîtresse de l’édifice politique, social et économique supposé réaliser le progrès. Or, la fin du XIXe siècle a été associée à une réflexion sur la " crise " de la science venant aussi bien de scientifiques que de scientifiques-philosophes. Ce diagnostic, réel ou fantasmé, attaque un élément important de l’aspiration au progrès en introduisant le doute au cœur même des processus d’élaboration des connaissances qui semblaient les mieux établis et en retournant parfois l’espoir du progrès en accusation de décadence. Ce sont notamment les milieux connectant sciences et philosophie qui ont été identifiés comme ayant permis de diffuser ces réflexions sur la crise des sciences (Revue de Métaphysique et de Morale, congrès de la Société Française de Philosophie, la " Bibliothèque de philosophie scientifique "...). Ce récit d’une crise touche non seulement la physique et les mathématiques mais aussi l’histoire. S’étend-il à d’autres savoirs et, si oui, selon quelles modalités de construction et de diffusion ? L’enjeu est moins de discuter de la réalité du progrès que d’analyser les récits du progrès et de ses critiques impliquant une mise en scène de la dynamique temporelle des sciences et des techniques. Moins centré sur une analyse du progrès clarifiant ses ambiguïtés et ses éléments, le présent symposium propose une étude des effets des mises en récit du progrès par des collectifs savants (revues, sociétés savantes...) ouverte à la diversité des savoirs et à la mise en regard des sciences de la nature avec les sciences humaines et sociales.
En exploitant cette focale des récits du progrès, il s’agit de contribuer à une histoire des sciences et des techniques entre 1871 et 1914 en montrant quelles normes sont présentes dans la structuration des savoirs et des pratiques, comment elles sont justifiées, réalisées et contrôlées. Il peut alors s’agir aussi bien de normes de scientificité que de normes sociales et politiques. Il s’agit de décrire la manière dont les sciences et les techniques sont mises en scène tout en questionnant la manière dont leurs promoteurs cherchent concrètement à réaliser des idéaux de scientificité impliquant des éléments épistémologiques, mais peut-être aussi des connexions avec la politique, la société, l’éducation, la santé... Symétriquement, une place est également laissée ouverte à l’étude des récits de crise et de leurs effets.
Les propositions de communication au symposium devront donc s’inscrire dans la volonté de tester les hypothèses suivantes :
Depuis la création du reseau PATSTEC il y a 20 ans, les relations avec les entreprises ont été au coeur du projet. À la création de la mission, l’objectif était de travailler sur la sauvegarde de l’instrumentation scientifique de la seconde moitié du 20e siècle, les savoir-faire, procédés et témoignages des équipes de la recherche scientifique contemporaine. Le patrimoine scientifique et technique de ces 60 dernières années permet de parler d’histoire de la recherche contemporaine, des processus d’innovation, de mieux comprendre comment l’évolution des techniques et des technologies s’est mise en place.
Le patrimoine scientifique et technique contemporain concerne en effet le monde de la recherche publique, mais aussi le monde industriel. Ce champ particulier, du domaine privé, reste un terrain encore à structurer à travers de futurs partenariats à concevoir et à engager. Une journée d’étude lui a été consacrée en mai au CNAM et a permis de mettre en avant les projets et de tisser des liens. Les liens se tissent dans les 2 sens mais le plus souvent les missions PATSTEC prospectent auprès des entreprises. Malgré tout, certaine filière souhaitent mettre en avant leurs spécificités et peuvent nous contacter.
Le patrimoine scientifique et technique contemporain est un lien précieux entre les sciences et la société, l’objet technique raconte des histoires, celles de la recherche, de la technologie mais aussi de toutes les personnes qui travaillent dans ces domaines. le media " objet " est facilitant et permet de donner à voir, à toucher et à comprendre; il permet de tisser ces liens de façon pérenne et forte.
Au XVIIIe siècle, la diffusion des théories d’Isaac Newton en France entraîne l’abandon progressif des principes et méthodes scientifiques jusqu’alors dominants, notamment au sein des grandes institutions telles que l’Académie Royale des Sciences. Les idées cartésiennes cèdent alors la place à une nouvelle approche, basée sur la description mathématique du monde. À partir de Newton, l’usage des mathématiques permet d’unifier l’explication de phénomènes différents, tels que le mouvement du pendule et le mouvement de la Lune autour de la Terre, en les reconduisant au même principe. Cependant, la mathématisation de la physique est-elle réellement un héritage newtonien ? Malgré les liens revendiqués par les " newtoniens " français avec Newton, leur approche des mathématiques diffère sensiblement de celle de Newton : alors que ce dernier privilégie une méthode de démonstration conforme à celle des Anciens, les savants continentaux amorcent une algébrisation de l’analyse et développent de nouvelles techniques différentielles, par exemple les équations différentielles aux dérivées partielles. Les protagonistes de cette algébrisation sont, entre autres, Johann Bernoulli, Alexis-Claude Clairaut et Jean le Rond d’Alembert. Au fil de l’évolution non linéaire des théories newtoniennes au XVIIIe siècle, ce ne sont pas seulement les mathématiques qui changent, mais aussi l’image du monde qu’elles façonnent. Un premier questionnement abordé dans ce symposium portera sur les formes de mathématisation ainsi que, plus généralement, sur le lien entre mathématiques et philosophie naturelle dans la postérité de Newton, en adoptant une perspective épistémologique et critique. Il s’agira d’examiner la relation entre l’évolution des outils mathématiques et les transformations des philosophies de la nature proposées par les savants du XVIIIe siècle qui se réclament de l’héritage newtonien. Comment ces savants ont-ils redessiné l’image du monde selon Newton, à partir d’une interprétation mathématique différente des phénomènes ?
L’évolution du lien entre les mathématiques et la philosophie naturelle peut également être considérée sous un autre angle, quelque peu négligé par l’historiographie traditionnelle : celui de ses répercussions culturelles et sociales. Plusieurs auteurs, tels que Joseph Privat de Molières, Noël Regnault et Charles-Hercule de Keranflech, tout en ne remettant jamais en question le lien étroit entre newtonisme et mathématisme, critiquent certains " newtoniens " qui, d’après eux, recourraient trop aux mathématiques en physique. Selon ces penseurs, l’abus de mathématiques conduit à la formulation de théories philosophiques inintelligibles, voire aberrantes, comme celle d’une force attractive agissant à distance à travers le vide. Les détracteurs de la mathématisation partagent tous un même destin : celui d’être progressivement exclus de la communauté savante, notamment des académies. En effet, à partir du milieu du XVIIIe siècle, on observe une adoption de critères d’accès à la vie scientifique de plus en plus rigides, excluant du débat officiel tout savant ne maîtrisant pas les concepts et techniques mathématiques jugés essentiels pour suivre les discussions entre académiciens. Un deuxième volet de ce symposium examinera le sort de ces exclus en explorant comment les arguments contre la mathématisation de la physique ont évolué à mesure que leurs auteurs étaient marginalisés au sein de la communauté savante.
En histoire de l’informatique, de récents apports importants ont éclairé des aspects qui auraient pu apparaître comme secondaires il y a plusieurs décennies - l’impact environnemental la position sociale du programmeur dans des rapports de force, ou cette même position analysée au prisme du genre - et en ont profondément modifié l’historiographie, jusqu’alors marquée par l’approche techniciste et économique. A notre tour, nous regardons des aspects longtemps considérés comme secondaires, mais à la lumière des artefacts, objets du quotidien de l’informatique a priori pensés comme triviaux (inspirés par exemple par l’histoire des matérialités savantes de Waquet, ou par l’anthropologie de la maintenance, chez David et Pontille). Que révèlent les choses cachées, ou du moins exclues de la liste des grandes inventions et de leurs grands inventeurs ? Historiens, mais aussi anthropologues et sociologues s’intéressent de plus en plus à ces " à côtés " : depuis les erreurs et échecs des programmes, aux documents et matériels les plus périphériques dans l’environnement des objets informatiques, ils mettent au jour des processus relevant de l’expérience d’usage des machines numériques, de la démarche subalterne de la maintenance technique des infrastructures informatiques, des pratiques de travail, de transmission et de diffusion, des coûts humains et environnementaux...
Par logiciel nous entendons tout programme ayant vocation à être exécuté sur des machines de façon automatique (protocoles de communication, langages de programmation, librairies scientifiques, bureautique...), et son histoire s’est constituée plus tardivement que celles des machines, des hommes ou des institutions. Souvent considérées comme des productions immatérielles, software par opposition au hardware, les pratiques de programmation engagent en fait une palette de formes et fonctions matérielles, support d’inscription et de contextualisation du code numérique, lui apportant cadres et contraintes. Équipements et périphériques, des cartes perforées aux modems en passant par les bandes magnétiques, mais aussi les supports de documentation, réglementation et papiers administratifs et légaux, gestes techniques et interactions avec les machines, les artefacts dans leurs dimensions esthétiques... : nous ferons ainsi l’investigation des aspects matériels qui conditionnent sans les déterminer complètement les conditions de production, usage et diffusion des objets logiciels.
En 2019, dans son ouvrage Making Sense of Mining History: Themes and Agendas, Stefan Berger traçait un bilan historiographique des études au sujet de l’industrie et du travail minier en suggérant diverses pistes à creuser pour renouveler le domaine. Ses propositions mettaient surtout en avant l’importance accrue d’une approche environnementale et comparative des perspectives historiques qui devaient amener chercheurs et chercheuses à ré-interroger une historiographie souvent limitée aux frontières nationales. Cela apparaît d’autant plus significatif dans un moment où l’activité extractive revient au centre du débat public, évoquée comme base essentielle d’une certaine vision de la "transition énergétique", comme le met en évidence le dossier " La mine : retour vers un futur ? " paru en 2023 dans la revue e-Phaïstos. Quel rôle pourrait avoir l’histoire, et en particulier l’histoire des techniques, au sein de ce débat ? En France, l’histoire de la mine a toujours cultivé une sensibilité pour les techniques, essentielle pour comprendre les mondes miniers dans leur dimension économique, politique, sociale. Aujourd’hui, cette tradition est relue au prisme d’interrogations environnementales et globales portées par une nouvelle génération d’historiens et historiennes. En effet, plusieurs thèses et projets de recherche en cours croisent les thématiques du risque, de l’innovation, du genre ou encore de la désindustrialisation, qui ont émergé lors du récent colloque "La sueur et la poussière", organisé en juin 2024 à Toulouse par le RUCHE et l’AFHMT. Ce symposium aspire à rassembler ces chercheuses et chercheurs pour réfléchir à la place de l’histoire des techniques de la mine au sein de ces nouvelles perspectives d’enquête.
L’histoire des objets techniques destinés à préserver la santé au travail, associée à une histoire des pollutions environnementales, permet de repenser les espaces en remettant en question la séparation traditionnelle entre les espaces de travail et l’espace public, habituellement perçus comme distincts et clos.
On peut alors envisager au moins trois niveaux d’analyse. Le premier consiste à examiner la manière dont les dispositifs de protection et de sécurité transforment l’atelier en un "laboratoire de la santé" au sens d’un lieu d’expérimentations pour améliorer la santé des ouvriers et ouvrières, et pour développer de nouveaux savoirs techniques sur la protection individuelle et collective. Cette dimension expérimentale dépasse les limites de l’atelier ou de la fabrique, car la manière dont la santé au travail est pensée au 19ème siècle s’appuie sur des pratiques, des connaissances et des recommandations élaborées de manière concomitante dans d’autres espaces : la prison, l’hôpital, les navires marchands, l’habitat privé, la rue...
Le second niveau interroge la manière dont les dispositifs de prévention (masques, gants, casques, systèmes de ventilation, etc.) contribuent à reconfigurer ”l’environnement sain”, tant au sein de l’atelier qu’à l’extérieur. En transformant le milieu de travail, ces objets participent à une redéfinition des relations entre l’intérieur (l’espace clos de la fabrique) et l’extérieur (l’espace public), légitimant par là même le maintien et le développement d’industries insalubres. En d’autres termes, la définition de ce qui est considéré comme ”sain” ou acceptable en termes de pollution est repensée en fonction de dispositifs qui, tout en protégeant les travailleurs, affectent également les populations environnantes.
Comme tous les objets techniques, ceux de la santé au travail sont pris dans un ensemble de relations qui structurent l’ordre social. En troisième lieu, il s’agit alors de s’intéresser au regard que portent les ouvriers et ouvrières sur ces dispositifs qui leur sont imposés. Cela implique de questionner leur compréhension des effets de ces objets sur leur santé, mais aussi leur perception des effets de ces dispositifs sur leurs conditions de travail et sur leur environnement quotidien. Cette articulation entre histoire de la santé et histoire de la culture matérielle permet d’explorer comment les travailleurs perçoivent et interprètent les liens entre santé et dispositifs techniques, entre les espaces de travail et l’espace public, et comment leur propre expérience peut remettre en cause la séparation traditionnelle entre ces deux sphères, souvent pensée de manière hermétique par les instances de régulation et les employeurs.
Les intervenant·es sont invité·es à approfondir ces réflexions en proposant une étude d’un objet ou dispositif de santé au travail s’inscrivant dans l’un de ces thèmes. Les contributions en français ou en anglais traitant d’espaces autres que l’Europe et les Etats-Unis sont vivement encouragées.
Le regain d’intérêt pour la dimension économique de la science, qui concerne tant la période moderne que contemporaine, a conduit à apporter une attention toute particulière à l’hétérogénéité des sources de financement des activités savantes et scientifiques. Parmi elles, la philanthropie a pu jouer un rôle essentiel. Objet reconnu de l’histoire et des sciences sociales, la philanthropie a été étudiée dans des champs divers social, médical, humanitaire ou culturel dans une perspective transnationale voire globale.
Concernant la science, son analyse se distingue de celle du patronage, même s’il existe des formes de continuité entre les deux pratiques. Son rôle dans l’émergence et le développement de la recherche scientifique aux XIXe et XXe siècles a fait l’objet de travaux généralement centrés sur les États-Unis. Pour la France, il a plutôt été analysé à travers l’étude d’institutions-clés, comme l’Institut Pasteur ou l’Institut Curie, largement dépendantes, au moins à leur création, de fonds privés.
L’étude de la philanthropie scientifique permet de s’interroger sur l’effet de levier des financements privés dans l’invention de la recherche scientifique, sur les contradictions induites au sein du champ scientifique par le recours à cette forme de financement, sur les réalisations concrète qu’elle permet, notamment en termes de " monumentalisation " de la science. Elle a, bien entendu, des répercussions contemporaines sur le devenir du financement de la recherche et sur le mélange des genres qu’une telle forme de soutien peut susciter.
Le symposium rassemblera des communications portant sur la philanthropie scientifique et, de manière plus générale, sur le financement des activités savantes et scientifiques pourvu qu’elles puissent permettre d’en appréhender les différentes formes. Différentes méthodologies et niveaux d’analyse pourront être proposés : analyse quantitative, études monographiques, au niveau local, national voire transnational. Des propositions sur des terrains internationaux seront examinées de sorte à permettre des discussions comparatives.
Cette proposition de symposium s’inscrit dans le prolongement du projet de recherche Fondascience financé par l’ANR.
Dans la lignée des travaux lancés par les historiens des techniques sur la redéfinition des rapports entre milieu savant et milieu de la pratique à l’époque moderne et contemporaine, ainsi que sur leurs liens avec l’industrie et l’artisanat, ou bien encore sur les modalités de pensée technique, la formalisation et la transmission des connaissances en milieu professionnel, cette session vise à interroger la façon dont matérialité et intellection se croisent à différentes échelles dans les domaines de la pratique. Compétences manipulatoires et perceptives, capacités de représentation, d’abstraction et de symbolisation, sens pratique et inventivité, savoirs de conception et d’organisation sont autant d’éléments qui participent à la mise en œuvre de la technique. Si l’institutionnalisation des domaines de la connaissance au XIXe siècle a pris en charge une partie de ces rapports savoir/savoir-faire/savoir pratique et métier, cette dernière question n’a pas été épuisée. En effet, ces relations qui ne sont pas réductibles à la science appliquée ou à une simple interaction réflexible, directe et immédiate empruntent de multiples cheminements dont les étapes restent difficiles à reconstituer, souvent masquées par des récits plus ou moins réducteurs. Dans ce cadre, l’acception moderne du mot " métier " comprend également les activités d’ancien régime se situant en dehors d’une " juridiction de métier/corporation ". Le terme renvoie ici à l’ensemble des activités rémunérées en englobant les marchés de destinations y compris royaux. La question peut alors être abordée de manière large en tenant compte de la multiplicité de statuts des acteurs économiques comme des instances juridiques de référence formant un vaste espace socio-politique, culturel et technique.
En traitant de la matérialité (métaux, bois, etc.), des procédés de transformation (dépendant de lois scientifiques générales connue ou pas), des gestes (chaîne opératoire, transmission, mécanisation, etc.) et de l’innovation, les communications de cette session chercheront à saisir les conditions d’interconnexion entre ces trois instances du savoir et de la connaissance dans le cadre des métiers. Plusieurs axes d’étude sont possibles :
La cosmologie relativiste a célébré son centenaire en 2017, marquant un siècle de découvertes et de profondes transformations dans notre compréhension de l’univers. Ce symposium propose de se pencher sur les développements historiques, philosophiques et scientifiques qui ont jalonné cette évolution. Une attention spéciale sera dédiée aux avancées du XXe siècle, avec un focus particulier sur l’émergence des modèles d’univers en expansion, du modèle du Big Bang et l’invention du concept d’inflation cosmique. Mais ce symposium a aussi pour vocation d’accueillir des études sur les pratiques observationnelles et expérimentales qui ont participé à ces développements historiques, ainsi que les théories cosmologiques alternatives qui ont contribué aux controverses et débats ayant animé l’histoire de la cosmologie.
Toutefois, il ne faut pas oublier que la cosmologie a connu d’autres périodes d’essor intellectuel et de développement. L’Antiquité, la Renaissance et l’âge classique ont également été des époques où les questions cosmologiques ont profondément influencé les champs de la science, de la philosophie et de la culture, alors même que, comme le remarquait l’historien et philosophe Jacques Merleau-Ponty, la scientificité de cette discipline a été questionnée à de nombreuses reprises durant ces périodes. Ce symposium offrira donc l’opportunité de replonger la cosmologie dans une histoire au temps long. En explorant les idées, les théories et les pratiques qui ont façonné notre vision du cosmos, cette rencontre cherche à mettre en lumière la diversité et la richesse des approches qui ont émergé au fil des siècles.
Les contributions au symposium pourront ainsi couvrir un large éventail de thématiques, allant des spéculations cosmologiques de l’Antiquité, comme celles de Pythagore et de Platon, aux vifs débats de la Renaissance qui ont radicalement transformé notre conception de l’univers. Loin d’être de simples épisodes historiques, ces moments témoignent de l’influence croisée entre science, philosophie et théologie, et de la manière dont ces disciplines se sont mutuellement nourries ou affrontées. Ainsi, le symposium visera à connecter l’histoire de la cosmologie aux implications philosophiques des transformations des conceptions de l’univers. Comment ces conceptions changeantes ont-elles influencé notre vision de la place de l’humanité dans le cosmos ? Quels défis épistémologiques et méthodologiques les cosmologistes ont-ils affrontés ? Comment la cosmologie contemporaine est-elle tributaire, dans ses progrès comme dans ses limites, de sa construction historique ? Ces questions seront au coeur des contributions au symposium, permettant aux participants d’aborder non seulement les faits historiques, mais aussi les grands débats philosophiques et scientifiques qui continuent de façonner le champ de la cosmologie.
L’un des enjeux de ce symposium est donc de proposer un espace de réflexion sur l’avenir de la cosmologie. Alors que nous entrons dans une nouvelle ère d’observations, avec des instruments tels que le télescope James Webb ou les projets de cartographie de l’énergie sombre, quels nouveaux horizons s’ouvrent à nous ? Ce symposium souhaite offrir une vision intégrée et dynamique de l’évolution de notre compréhension du cosmos, et il pourra ainsi accueillir et intéresser aussi bien des cosmologistes que des philosophes ou des historiens et historiennes des sciences.
L’énergie est au centre des préoccupations contemporaines, en France et en Europe, au travers des prix de l’énergie comme de la relance du nucléaire. Il semble dans ces temps d’incertitude que l’Histoire des Sciences et Techniques puisse apporter un éclairage essentiel à la compréhension de ces problématiques. Afin de parvenir à historiciser les trajectoires énergétiques dans un contexte européen il est nécessaire de s’appuyer sur le concept de technopolitique théorisé par Gabrielle Hecht pour comprendre les leviers d’édification d’un complexe énergétique européen.
Les énergies, de tout type, sont au fondement de la pensée d’une union des nations européennes. La genèse d’une idée énergétique en Europe existe dès l’entre deux guerres par le rassemblement de scientifiques, ingénieurs et techniciens dans des cadres comme l’Union Internationale des Producteurs et Distributeurs d’Énergie Électrique (l’UNIPEDE) ou le Conseil International des Grands Réseaux Électriques (CIGRE) dans l’objectif assumé de favoriser l’interconnexion électrique du continent pour la paix et le progrès technique.
Avec les traités de Rome, instaurant notamment la Communauté Économique Européenne (CEE) et la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique (CEEA ou Euratom), les six cosignataires vont au-delà de la Communauté du Charbon et de l’Acier (CECA) de 1951 et renforcent par la même occasion leur niveau de coopération. Sur les trois traités qui incarnent la genèse du droit européen, deux sont intimement liés au secteur énergétique, aspirant à un idéal technopolitique. Pour Jean Monnet, artisan du premier plan français (le Premier plan de modernisation et d’équipement, ou plan Monnet) et principal architecte de la CECA (avec pour but de souder les nations européennes durablement), l’énergie atomique est un levier majeur pour atteindre l’idéal européen. Il avance pour soutenir son argument qu’il serait plus aisé de créer du commun et une union à l’échelle européenne à partir d’un projet qu’aucun état n’a encore réalisé, plutôt que de mutualiser des capacités déjà existantes. C’est sur cette base que le traité Euratom prend appui comme projet unificateur pour les européens : ériger un complexe électronucléaire européen. Il nous semble donc pertinent d’interroger comment les états, entre prise de décision autocéphale et concertation européenne, érigent des capacités de production énergétique cohérentes, la politique européenne de l’énergie se trouvant soumise à des forces contraires. Pour faire cela, l’étude des trajectoires énergétiques de l’Europe sur le temps long semble être un objet crucial pour comprendre à la fois l’état présent des infrastructures mais aussi des superstructures qui encadrent ces grands réseaux techniques. De même, les transformations profondes du paysage énergétique européen lors du siècle dernier apparaissent comme les témoins d’idéaux opposés qui ont animé les dirigeants européens lors de l’institutionnalisation du projet énergétique européen en 1957 et jusqu’à sa dernière transformation majeure par l’avènement d’un marché commun de l’énergie et la libéralisation des structures de productions, transport, distribution et d’opération à partir de 1996. Ainsi, les multiples trajectoires énergétiques suivies en Europe à partir de 1957 nous poussent à nous interroger tant sur l’aspect technopolitique de la question énergétique que sur ses rôles ambivalents d’inhibiteur ou de catalyseur d’un esprit européen.
Le champ historiographique des transports et des mobilités s’est largement renouvelé au cours de ces vingt dernières années. D’une histoire des techniques, en passant par une histoire économique et socioculturelle, ces chantiers ont contribué à réinscrire les pratiques de déplacement dans la longue durée. D’une histoire des transports largement axée sur les dimensions techniques et structurée par des approches modales, les recherches récentes tendent à déplacer les questionnements, en intégrant la réflexion sur les progrès et les innovations dans des perspectives plus larges autour de l’encouragement politique, des appropriations sociales, des transferts culturels, des contraintes de financement... Ce faisant, elles soulignent la transversalité de l’approche mobilitaire qui concerne tous les aspects de la vie professionnelle et privée. A la manière de l’histoire environnementale qui s’est élaborée en un champ historiographique à part entière, la question de la possible autonomisation du champ de l’histoire des transports et des mobilités peut se poser. Quels en seraient les ressorts et les freins? Quels risques pourrait-on y lire ? N’est-ce pas déjà en grande partie le cas?
Il s’agira dans un premier temps de faire l’état des évolutions dans les discours historiographiques notamment au travers du prisme économique, socioculturel et urbanistique. Dans un second temps, il sera question du positionnement du champ de l’histoire des transports et des mobilités au sein de l’histoire des sciences et des techniques. Enfin, des préconisations relatives à l’expansion du champ seront proposées pour discussion. Finalement, le champ d’histoire des transports et des mobilités peut-il, doit-il s’autonomiser de l’histoire des sciences et des techniques ?
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