L'appel à marcher sur la Lune fait en 1962 par le président américain John Fitzgerald Kennedy (« We choose to go to the Moon ») engage la machine scientifique et industrielle qu'est la NASA (National Aeronautics and Space Administration) dans l'accomplissement de ce pari. Franchir et dépasser la « nouvelle frontière » nécessite de bâtir des infrastructures répondant à divers objectifs : pourvoir aux besoins liés aux missions lunaires habitées mais aussi mettre en avant la puissance économique, industrielle et scientifique des États-Unis. Ainsi, le Vehicle Assembly Building ou VAB, lieu d'assemblage des immenses fusées lunaires Saturn V, est à la fois un lieu de production en matière d'exploration spatiale et un fleuron de l'aventure spatiale américaine. 

Avec ses 160 mètres de haut, 205 de large et 156 de long pour un volume de 3 539 605 m3, le VAB est l'un des plus grands bâtiments au monde. Construit par l'agence Urbahn-Roberts-Seelye-Moran entre 1963 et 1966 à Cape Kennedy (aujourd'hui Cape Canaveral) en Floride, c'est un mélange de space frames, de rampes, de vide et de surfaces rectilignes. Le VAB est pensé pour les besoins matériels, techniques et scientifiques de la NASA : il est en même temps un lieu de savoir technologique et un lieu d'« action » avec son Launch Control Center. L'intérêt de la réalisation et de son utilisation ne passe pas inaperçu aux yeux des architectes, notamment ceux qui portent un regard curieux et plein d'espoir sur les développements liés au spatial. En témoigne Peter Blake qui, fasciné par cette construction, attire l'attention des lecteurs d'Architectural Forum, montrant que ce qui relève d'un rêve inatteignable devient désormais possible. Plus largement, le monde de l'architecture se saisit du VAB, à l'image de fabricants de produits architecturaux qui s'approprient la réussite et le prestige de cette réalisation dans leurs publicités.

Dans cette communication, je compte m'intéresser à la manière dont le VAB, fleuron de l'industrie aéronautique américaine et symbole de l'odyssée lunaire, devient un modèle pour les architectes, non pas tant pour sa structure que pour ce qu'il représente. Après avoir rappelé dans un premier temps le contexte historique et constructif du VAB et les moyens financiers, humains et techniques qui ont sous-tendu sa construction, je montrerai ensuite que ce bâtiment apparaît comme un modèle conceptuel pour les architectes souhaitant profiter pleinement des développements scientifiques du spatial, puis je terminerai par une étude de la manière dont le VAB se diffuse dans une culture architecturale large et acquiert une dimension symbolique.