En mathématiques, les femmes commencent à intégrer le monde de la recherche en obtenant des doctorats dès la fin du XIXe siècle. Pourtant, leur incorporation aux institutions universitaires se fait bien plus tard. Ainsi, alors que Dorothée Klumpke est la première femme à soutenir un doctorat de mathématiques en 1893, il faut attendre 1939 pour qu'une femme soit nommée enseignante dans une faculté. Il s'agit de Marie-Louise Dubreil-Jacotin qui obtient la maîtrise de conférences à l'université de Lyon, devançant de peu Marie Charpentier à Rennes en 1942 et Jacqueline Ferrand à Bordeaux en 1943. Ainsi, l'arrivée au point culminant de la carrière universitaire est assez longue tandis que l'accès au doctorat se fait lui, plus rapidement. À titre de comparaison, en littérature, elles accèdent plus tard au doctorat, mais elles obtiennent des postes dès l'entre-deux-guerres et progressent plus rapidement dans la hiérarchie universitaire. En effet, ce n'est qu'en 1914 que Jeanne Duportal soutient une thèse d'État mais dès 1921 Léonie Villard est nommée maîtresse de conférences d'anglais à Grenoble et elle est nommée professeure sans chaire à Lyon trois ans plus tard. Or, c'est surtout en atteignant ces postes importants et stables qu'elles développent une influence de plus en plus importante sur leur milieu.

Grâce aux registres de délibérations des conseils de facultés, aux dossiers de carrière et à une série d'entretiens menés auprès d'anciens mathématiciens et d'anciennes mathématiciennes dans différentes universités françaises, nous apporterons des réponses au problème décrit plus haut. Nous étudierons les différents obstacles pesant sur les carrières des femmes scientifiques en mathématiques et en littérature entre 1900 et 1968. Nous nous attacherons également à mettre en relief le rôle joué par les institutions sur l'intégration de ces femmes au milieu universitaire.