En août 1914, les principales puissances aériennes impliquées dans les débuts de la Première Guerre mondiale – France, Royaume-Uni, Allemagne et Autriche-Hongrie – disposaient de quelques hydravions et pilotes, rattachés à leurs Marines respectives, et des premières hydrobases sur les littoraux. Leur implantation évolua ensuite notamment en fonction des lignes de front terrestres et des stratégies maritimes et aériennes. L'hydraviation de la Grande Guerre a été peu traitée dans l'historiographie tant des war studies que de l'histoire des techniques. La majorité de la documentation traite de la nature et des caractéristiques théoriques des machines, se penchant sur un type ou un constructeur ou un unique lieu, et n'envisage leur emploi concret que dans un second temps, avec une prise en compte du contexte limitée.

Ceci rend difficile le fait d'appréhender ce système technique comme tel, avec avec tout au long du conflit des transformations et évolutions dans les chaînes opératoires menant de la conception sur le papier d'un hydravion dans un bureau jusqu'à son utilisation concrète dans une hydrobase, parfois plusieurs fois par jour, et non pas comme une simple application linéaire de savoirs et de pratiques permettant leur conception et leur production. Cela ne permet pas non plus de comprendre sa concrétisation et les interactions des hydravions et des hydraviateurs avec leurs terrains – terrestre, maritime, allié, ennemi, etc. – en tant que co-acteurs d'un même espace technique au sens développé par Anne-Françoise Garçon (une « région géographique et/ou historique présentant une homogénéité, un style individualisé dans les procédés, les lignées utilisées, les grammaires techniques en vigueur » (Garçon, 2012 : 52), plutôt que comme une simple conséquence des doctrines et stratégies mises au point par les états-majors.

Nous souhaitons en conséquence proposer une telle étude systémique, avec comme cas d'étude le théâtre d'opération des Flandres pour les hydravions français et allemands, où les deux belligérants partent d'une situation quasi identique dans cette étroite zone maritime, et comment le conflit poussa chaque puissance à développer ses propres solutions techniques.